CONTROVERSE(S)
La lettre nîmoise du débat citoyen
Les aménagements réalisés à Nîmes sont-ils adaptés
aux changements climatiques ?
Vendredi 17 juin 2022, vendredi noir : selon la station météo de Nîmes-Courbessac, c'est la première fois que depuis 100 ans, la température à Nîmes franchit la barre des 40°C avant l'été. Soucieux du développement de la ville comme du confort de ses habitants, M. Béton et Mme Fraîcheur se rencontrent sur un banc de l’Esplanade.
M. Béton : notre Agence d’urbanisme nous alerte sur la montée des températures. Le phénomène caniculaire s’accentue : jusqu’à +6°C attendus l’été, déjà plus 50 journées/an à + de 30°C. Il pleuvra moins. Les vagues de forte chaleur et les épisodes de sécheresse seront plus fréquents. L’Agence établit une cartographie des îlots de fraicheur urbains (IFU) pour adapter la région nîmoise à cette situation.
Mme Fraîcheur : c’est bien d’établir un diagnostic, mais en attendant, la bétonnisation continue. Le Comité de quartier du Puech-du-Teil dénonce la disparition de 4 hectares de verdure avec les nouvelles constructions et l’absence d’obligation de replanter les arbres arrachés. À Gambetta, les arbres disparaissent au profit de la construction d’immeubles. Heureusement, l’action des habitants a permis de sauvegarder l’îlot de fraîcheur du parc Meynier de Salinelles. Car les arbres sont des parasols et des climatiseurs naturels. Quand, au contraire, les climatiseurs mécaniques réchauffent l’air extérieur, comme dans les rues commerçantes de l’Écusson.
M. Béton : rappelons-nous que Nîmes, créée autour de la source, allie la pierre et l’eau. Peut-on se plaindre des nouveaux aménagements qui l’ont embellie ? Avenue Feuchères, Jean Jaurès sont certes des voies minérales, mais il y a des arbres et de l’eau pour se rafraichir. Les Jardins de la Fontaine, le Mont Duplan, le bois des Noyers et le futur parc Jacques Chirac offrent des îlots de fraicheur.
Mme Fraîcheur : certes, mais on ne dort pas aux Jardins de la Fontaine … La ville reste très minérale. Le bâti est dense, les seuls espaces libres c’est la voirie, en particulier au centre-ville. Ce qui accentue le phénomène des îlots de chaleur, lié à la présence de l’asphalte, qui absorbe la chaleur et la restitue la nuit. Il fait entre 5 et 10 degrés de plus au centre qu’en périphérie. On a recouvert les cours d’eau des cadereaux. En témoigne la dénomination de la rue de l’Agau, après le square Antonin, ou de l’avenue du Cadereau (aujourd’hui avenue Pompidou). On pourrait aussi avoir des fontaines et des brumisateurs, mais où sont-ils ?
M. Béton : convenez que l’été, il est agréable de flâner sous les arbres des boulevards de l’écusson. On ne peut tout de même pas avoir des arbres partout, ou planter une forêt devant les arènes ! N’oubliez pas que la ville compte de grands espaces naturels comme le mas d’Escattes, le bois des Espeisses ou les Terres de Rouvière. Le patrimoine arboré c’est plus de 1 400 ha. Au Chemin-bas, la rénovation prévoit des espaces verts sur plus d’un hectare. Et pour chaque enfant entrant en CP, un arbre est planté au domaine de la Bastide.
Mme Fraîcheur : à propos, parlons des quartiers populaires. À Pissevin-Valdegour, il y a certes des espaces verts. Mais pas beaucoup d’arbres et une seule fontaine. Entre les immeubles, les espaces libres - les dalles - sont bétonnés et en plein soleil. Ce qui accentue la chaleur. La zone commerciale - Carré sud et Ville active – est exclusivement minérale.
Il faudrait donc réduire l’enrobé partout dans la ville, en « débitumant » au maximum : places publiques, comme la Placette ; en décroutant les cours d’écoles, les parkings, voire certaines rues pour éviter la réverbération. Il faut amener de la terre, des jardins, du vert. Cela permet à l’eau de s’évaporer et de rafraîchir l’atmosphère. On peut aussi travailler les bâtiments avec des murs végétalisés. À l’exemple d’autres villes, installer des fontaines et peut-être instaurer l’uchimizou (aspersion d'eau dans les jardins secs et les rues asphaltées pour rafraîchir, au Japon), planter des arbres partout où c’est possible et ne pas se contenter des initiatives habitantes pour végétaliser, comme à la rue du Chapitre.
M Béton : vous oubliez tout ce qui est fait pour réduire le trafic automobile et favoriser l’usage du vélo et les mobilités douces. La ligne T2 de trambus qui va du CHU à Paloma, le parking relais de Caissargues, les 15 km de pistes cyclables … Lorsque nous réaménageons des chemins de garrigue, comme le chemin de Russan, nous réduisons la chaussée à 5,50 m sur les parties larges afin de recréer des espaces perméables et verts sur les bords.
Mme Fraîcheur : tout cela est bon à prendre, mais vous êtes-vous trouvé dans les embouteillages le matin route d’Alès, route de Sauve, route de Montpellier ou en venant de Calvisson ? Vous comprendriez qu’un Plan local d'urbanisme intercommunal est un enjeu écologique majeur, ainsi que pour la santé des habitants.
Sans conclure :
Et vous, comment vivez-vous les épisodes caniculaires, quelles solutions vous paraissent urgentes à appliquer ? Comment concilier le développement économique, social et culturel de la ville avec le mieux-être et la santé au moment où il faut s’adapter aux changements climatiques ? Notre site vous est ouvert.
L'association ARBRES nous a fait part des commentaires que lui inspire notre article. Nous les publions ci-dessous.
Bonjour
M. Béton et Mme Fraîcheur nous invitent à donner notre avis sur les aménagements adaptés au dérèglement climatique à Nîmes.
A M. Béton, nous répondrons que les habitants de Nîmes peuvent se
réjouir des nouveaux aménagements qui ont embelli le centre ville
avec les avenues Feuchères et Jean-Jaurès végétalisées, mais il ne
faut pas oublier que c'est la mobilisation citoyenne qui a permis
la sauvegarde des alignements plantés de platanes et micocouliers
sur les boulevards de l'Ecusson (en 2012) , de même que celle du
Parc Meynier de Salinelles avec des actions en justice pour la
sauvegarde du patrimoine arboré dans un cas, et la sauvegarde du
parc des griffes du promoteur dans l'autre cas. Des victoires de
la mobilisation citoyenne qu'il est important de rappeler.
Bétonisation dans les quartiers
Mme Fraîcheur a raison de souligner que la bétonisation continue.
Et elle est galopante dans tous les quartiers avec les parcs
privés arborés qui sont la proie des promoteurs. Quartiers Puech
du Teil, Jean Jaurès, des Marronniers, Alouette, avenue Kennedy,
etc.... les promoteurs ne s'embarrassent pas de la présence des
arbres, le Plan Local d'Urbanisme ne prévoyant aucune
sanctuarisation, ni préservation systématique du patrimoine
existant dans les parcs privés.
A l'heure où tous les clignotants sont au rouge pour lutter
contre le réchauffement climatique, comment les élus de la Ville
de Nîmes peuvent-ils s'arroger le droit d'autoriser la destruction
de ces ilots de fraîcheur naturels, quand, dans le même temps, le
gouvernement recommande à tous les décideurs de nos villes de
créer des ilots de fraîcheur pour le bien-être des habitants ?
Depuis plusieurs mois, l'Association A.R.B.R.E.S demande aux
élus de la ville de Nîmes qu'un inventaire du patrimoine
arboré existant soit réalisé dans les parcs privés avant
tout chantier de construction afin qu'un nombre maximum d'arbres
puisse être sauvegardé, mais nos demandes répétées restent sans
réponse.
Si les associations de l'environnement, du patrimoine, les
comités de quartiers, les collectifs se mobilisaient
conjointement sur cette question, notre requête aurait plus de
chance d'aboutir. il y a urgence : les ilots de fraîcheur
naturels disparaissent vite !
Places publiques et cours d'écoles
D'accord avec Mme Fraîcheur, il est urgent de reperméabiliser en priorité les cours d'écoles, les parkings de supermarchés, les places bitumées pour rafraîchir l'atmosphère, mais aussi pour éviter les inondations en cas de pluies cévenoles qui dévalent les rues et mènent aux catastrophes que nous connaissons et qui se multiplient.
Végétalisation des rues.
La charte de végétalisation des rues mise en place par la Ville
de Nîmes n'est pas ambitieuse. Elle est même si contraignante que
les habitants ne se bousculent pas pour végétaliser leurs façades.
Montpellier, Uzès, Arles, Aigues-Mortes sont des exemples à
suivre.
Réduction du trafic automobile.
Nous ne sommes pas sûrs que tout ce qui a été fait pour réduire
le trafic automobile soit positif. Il suffit de demander aux
riverains du nouveau quartier de Vacqueyrolles, quartier pour
lequel aucune structure routière n'a été réalisée pour faciliter
la fluidité du trafic route de Sauve. Sans parler des
embouteillages chaque jour d'est en ouest et réciproquement.
Croisons les doigts pour que la ligne T2 du trambus réduise
l'impact automobile sur le territoire de Nîmes.
Mas Lombard
Nous nous permettons de rajouter un projet vieux de plus de 40
ans : celui du mas Lombard, prévu sur des terres agricoles,
inondables de surcroît. 40 ha destinées à être bétonnées.
Enquête publique, alertes, réunions de concertation... et
au prochain Conseil Municipal du 2 juillet prochain, la demande
du report des études qui n'ont pu aboutir au bout de 24 mois pour
cause de complexité du dossier, de compensation de terres à
trouver. Une demande de délai supplémentaire de 34 mois sera
soumise au vote. Un projet contesté par les riverains qui ont
subi les dernières inondations du 14 septembre et des terres
agricoles sacrifiées sur l'autel de la bétonisation.
Magna Porta
Un exemple de mégalomanie des décideurs qui semble-t-il n'ont
pas encore pris la mesure des conséquences dramatiques du
réchauffement climatique. Magna Porta construite sur des terres
agricoles artificialisées, des terres vitales pour l'alimentation
de la population. Et quid des ressources en eau si un parc à thème
voit le jour avec les structures hôtelières et tout l'aménagement
pour encore plus de touristes ? Avec l'association ATTAC, des
actions ont été menées sur le site de Magna Porta, mais elles
n'ont pas eu l'envergure, ni le retentissement de celle de la mobilisation contre Amazon
à Fournès, hélas ! La Compagnie des Alpes qui menait des études
de faisabilité pour le parc à thème de la Romanité n'a-t-elle pas
jeté l'éponge ?
Il y a urgence à ce que les citoyens se mobilisent pour qu'un autre monde soit possible.
Cordialement.
P/A.R.B.R.E.S.
Claudine Martel
A.R.B.R.E.S. Gardiens de l'ombre
Association Responsable pour le Bien-être et le Respect de l'Environnement sur Nîmes Métropole