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 Les 30 ans du Carré d’art

30 ans après sa création, Carré d'art-Médiathèque et Centre d'art contemporain a-t-il élargi le cercle des publics de la culture ?

Inauguré le 9 mai 1993, Carré d’art c’est à la fois une histoire, une œuvre architecturale originale et un service public. Pour évoquer cet anniversaire, et échanger sur le devenir de cet équipement culturel, nous avons rencontré M. Coeurdeville et Mme Desquartiers.

M. Coeurdeville :

Peu de nos concitoyens se souviennent de la date du 27 novembre 1952, où le Théâtre municipal, face à la Maison carrée, fût victime d’un incendie criminel. Seule subsista la colonnade ionique, créée en 1827 par l’architecte Meunier. Un parking fût installé derrière la colonnade sur cette friche… Une véritable verrue urbaine, enfin supprimée avec la construction de Carré d’art.

Mme Desquartiers :

Rappelons toutefois que de 1952 à 1993, plusieurs projets ont été imaginés, mais abandonnés faute de moyens financiers. D’abord, un nouveau théâtre (1962). Ensuite, un nouvel Hôtel de ville sur l’emplacement de ce qui fût le Forum romain. Mais également, un Palais des arts (1975-1980). Ajoutons que les années 1960-80 sont celles de l’expansion de la ville à l’est et à l’ouest, la priorité est alors à l’équipement des nouveaux quartiers (écoles, stades, centres culturels…). On avait même pensé localiser la bibliothèque centrale à Pissevin, à proximité de l’actuelle Direction des territoires et de la mer (DDTM).

M. Coeurdeville :

Pour la municipalité élue en 1983, il s’agissait de faire un « petit Beaubourg » : réunir en un même lieu un Musée d’art contemporain et une bibliothèque centrale. Car celle de la Grand-Rue était inadaptée (Bibliothèque Séguier). Le concours d’architecture lancé en 1984 a été remporté par Sir Norman Foster, architecte britannique. C’est ainsi qu’est né Carré d’art. « Le défi du projet consistait à suggérer comment le monument pouvait se rattacher à l’ancien, tout en créant un bâtiment représentant sa propre époque avec intégrité. » (N. Foster).

Mme Desquartiers :

Ce petit Beaubourg n’a pas vu le jour sans débat ni polémiques, en dépit de son aura médiatique. La question de l’intégration de la colonnade de l’ancien théâtre, ce patrimoine auquel les nîmois étaient très attachés, a généré de vives manifestations. D’ailleurs dans ses Mémoires, l’actrice Bernadette Lafont qualifie Carré d’art « d’immense lave-vaisselle »… « c’est du moins ce que m’évoque ce curieux bâtiment. Toutes les villes ont leur fausse note ». Par ailleurs, avec l’ouverture de Carré d’art, on a fermé deux bibliothèques de proximité : celle du Centre Pablo Neruda et celle de la rue de la Couronne, baptisée du nom de l’écrivain André Chamson.

M. Coeurdeville :

Reconnaissez que la modernité architecturale, hier controversée, s’est avérée un plus pour l’inscription de la Maison carrée sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Et a ouvert l’art contemporain à des publics jusque-là éloignés, grâce à la collection prestigieuse de Bob Calle et au soutien de Claude Viallat… On oublie souvent que le Musée d’art contemporain a été préfiguré par la Maison de la Création, que celui-ci a initié avec le professeur Robert Lafont dès les années 1975. La collection compte les œuvres de nombreux artistes contemporains incontournables : européens, américains… elle est désormais également tournée vers l’Asie, le Proche et Moyen Orient ; elle accorde une plus large place aux femmes.

Mme Desquartiers :

Cependant, selon l’actuel directeur : « C’est l’une des grandes collections publiques françaises, ce qui est largement perçu de l’extérieur mais pas nécessairement par les nîmois eux-mêmes. » Mais, revenons à la bibliothèque ! À Nîmes, la gratuité d’accès avait été instaurée par la municipalité Clary en 1996, comme le recommande l’Unesco ! Le nombre des lecteurs était passé de 17 000 à plus de 37 000 en 2001, soit près d’un tiers de la population. Pour diminuer de deux-tiers, lorsque le paiement a été rétabli avec la municipalité Fournier : 13 588 inscrits en 2018, soit 8% de la population. Et aujourd’hui, où en est-on ? Par ailleurs, Carré d’art devait être le centre d’un réseau de lecture publique « en étoile » rayonnant sur plusieurs quartiers nîmois. Il manque des branches à l’étoile, le Médiabus ne compensant pas une présence permanente.

M. Coeurdeville :

À propos de la structure en étoile, vous oubliez l’installation du CACN à Pissevin – Centre d’Art Contemporain de Nîmes, qui a pour but l’aide à la création, la promotion d’artistes et la diffusion de l’art contemporain. Le cercle des connaisseurs ne s’est-il pas élargi ? Et pour les 30 ans, les musées de la Ville offrent à leurs visiteurs des espaces dédiés à l’art contemporain issu des collections de Carré d’art. Au Carré d’art bien sûr, un nouvel accrochage permet de se (re)plonger dans l'histoire de la collection, avec l'exposition des œuvres historiques du fonds ainsi que diverses autres expositions par 3 artistes de différentes générations liés au musée. L’école des Beaux-Arts participe à cet anniversaire et a déjà proposé un choix d’œuvres exposées dans l’espace public : cours, places dans l’écusson, sous la forme d’un parcours au départ de l’Hôtel de ville. Une « Contemporaine de Nîmes » sera présentée tous les trois ans à partir de 2024, une manifestation pluridisciplinaire et internationale dédiée à la création contemporaine, autour d’une grande exposition et d’un parcours dans une dizaine de lieux culturels et patrimoniaux. Quant aux bibliothèques, il y a le Médiabus, Serre Cavalier et la ludothèque Jean d’Ormesson.

Mme Desquartiers :

En attendant, le public populaire fréquente peu les musées de la ville, notamment en raison des tarifs d’entrée… On peut aussi s’interroger sur la sensibilisation continue du grand public en dehors des évènements comme celui des 30 ans. Quant à la lecture publique dans les quartiers, la Médiathèque Marc Bernard est quand même fermée depuis 3 mois ! Certes on nous propose maintenant un lieu de lecture à l’Espace Léon Vergnole, dans ce même quartier. Mais comparons les offres : Marc Bernard 1 000 m2 dans un établissement rénové, Léon Vergnole 47 m2 avec 6 places assises et 1 espace enfant !

Sans conclure :

Le classement de la Maison carrée au patrimoine mondial de l’Unesco ne risque-t-il pas de privilégier le miroir architectural de Carré d’art au détriment de l’équipement culturel de service public qu’est la Médiathèque centre d’art contemporain.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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